Assise dans ta cellule, la tête appuyée contre la pierre froide, tu regardes d’un œil vide le mur face à toi. T’as froid. T’as faim. T’as maigri. Nul doute là-dessus. Et t’as peur aussi … Tes membres tremblent de frayeur. Tu crains la prochaine ‘purification’. C’est ainsi que les dhampirs qui t’ont enlevé, appellent les tortures qu’ils t’infligent. Ils ne cessent de répéter que tu es une honte pour l’espèce et qu’il faut te remettre dans le droit chemin. Mais même s’ils brisent ton corps, ils n’arrivent pas à briser ton esprit. Enfin … Pas plus qu’il ne l’est déjà. De toute manière, tu ne sais même pas depuis combien de temps tu es enfermée ici. Mais malgré les jours, voir les mois qui ont dû s’écouler, t’as toujours aussi mal. Ils t’ont dit qu’ils l’avaient tué. Sans scrupule. Qu’il avait bien souffert avant qu’ils ne mettent enfin fin à ses souffrances. Ça t’avait tué de l’intérieur de savoir tout ça. Parce que Brent n’était pas comme les autres Strigoï. Il était tendre, adorable, gentil. Tu te souviens encore parfaitement de la douceur de sa peau sur la tienne. De ce doux baiser échangé. Et de la tendresse dont il a fait peur à ton égard. Là où toi, tu n’avais rien eu de tout ça depuis tellement de temps… Les larmes roulent sur tes joues. Au même instant, un garde passe et se moque de toi. Qu’il aille se faire voir ! Mais alors qu’il entre dans ta cellule, tu vois un moyen de t’échapper. Pour Brent. Il faut que tu ailles t’excuser auprès de ses parents, leur dire que c’est ta faute s’il est … Tu ne peux te résoudre à prononcer ce mot, même intérieurement. Alors quand le dhampir est assez proche de toi, te pensant faible, tu attrapes son arme et le pointe sur lui. Il panique. Tu te redresses faiblement, lui ordonnant de ne pas bouger. Et tu fais pression sur lui pour sortir. Tu ne sais comment, mais tu y arrives. Et pour souvenir, tu lui tires dans la cuisse. Il jure qu’il te retrouvera et te tuera comme ton Strigoï. Mais tu ne perds pas de temps, et tu cours.

Tu ne sais combien de temps tu cours. Tu tombes. La terre macule tes vêtements déchirés. Les ronces te blessent, rouvrant certaines blessures déjà faites. Ils t’ont fait souffrir pour te remettre dans le droit chemin. Mais tu n’en as pas envie. Tu cours encore et encore. Puis t’arrives à Missoula. Tu vois un bar. Tu y entres. Le gérant t’offre un verre. Tu retrouves Max, il t’offre un petit sachet, pour fêter ton retour. T’acceptes. De toute manière, tu n’as plus personne. Plus rien.

Les jours s’écoulent. T’es complètement défoncée. Alcool, drogue, sexe. Tu retombes dans ta noirceur. Au fond de toi, une petite voix te dit de te reprendre, que Brent ne voudrait pas te voir comme ça. Mais il n’est plus là … Tout comme ton chien. Les dhampirs l’ont foutu à la fourrière et tu n’as pas eu le courage d’aller le chercher. De toute manière tu es même incapable de t’en occuper … Tu ne veux pas qu’il souffre, alors tu préfères le laisser là-bas. Max revient te voir un soir. Il te tend un petit sachet. Tu payes. Cela va te changer les idées. Tu l’ouvres mais pour une raison inconnue, tu relèves la tête. Et tu vois une silhouette. Bien plus grande que toi –facile vu ta taille- mais pourtant, tu la connais. Tes yeux s’agrandissent. Tu halètes. T’as envie de pleurer. Tu te pinces pour être certaine de ne pas rêver. Pourtant, tu n’as pas bu tant que ça ce soir … Et tu n’as pas encore fumé ! T’as mal au cœur. Tu fais un pas prudent, pour être certaine que la silhouette ne s’évanouisse pas dans la nuit. Tu ne sais même pas s’il parle ou pas. Tu n’arrives pas à te concentrer sur les bruits autour de toi. Mais après un autre pas, tu vois son visage grâce à la lumière de la rue. Les larmes dévalent tes joues. Tu trembles. Tu n’y crois pas. Tu lâches ce que tu tiens dans ta main, ta drogue et ton téléphone. Et tu cours. Tu t’en fous. Tes bras encerclent son cou, tes jambes sa taille. T’as tellement maigri de toute façon à cause de ce que tu as enduré, que tu sais qu’il arrivera à te soutenir. Tu pleures tellement ! Reculant ton visage, tu encadres de tes mains son visage. Sa peau est toujours la même. Tu caresses ses pommettes délicatement de tes pouces, les larmes roulant toujours sur tes joues. « T’es vivant. Mon dieu t’es là ! T’es vraiment là ! » Tu repasses tes bras autour de son cou pour te serrer contre toi. Tu n’arrives pas à y croire …

Tu es vraiment là

Revenir dans cette ville me semblait toujours aussi étrange, même si cela faisait quelques jours que j'étais de retour maintenant. Avoir un colocataire était étrange également, mais je m'y habituais plutôt rapidement. Il faut dire que Damian était facile à vivre. Et Joker également d'ailleurs. En parlant de ce dernier, je l'avais sorti il y a une heure déjà et il était retourné à l'appartement pour faire la sieste. Même s'il vivait le rythme des strigoïs depuis déjà plusieurs mois, on ne pouvait pas dire qu'il s'y était totalement fait. Comme s'il savait que sa véritable maîtresse n'était pas une strigoï et serait capable de s'occuper de lui pendant la journée. Heureusement, malgré tout, il n'était pas difficile à vivre.

Et maintenant, je me trouvais à l'extérieur de l'appartement, dans la ville, après être passé dans mon ancien bar. Visiblement, ils avaient tous changés, sauf le proprio et Amanda, la petite étudiante serveuse. Le proprio avait bien voulu me reprendre, apparemment il était en manque de barmen corrects. J'avais accepté avec plaisir, même si quelque part, je me demandais ce que je foutais. Je n'avais pas prévu de rester à Missoula pendant plusieurs mois, juste l'affaire de quelques semaines. Alors retrouver un job était plutôt inutile. Mais je crois qu'après toutes les missions que j'avais effectué avec mes parents, toutes les morts que j'avais du provoquer à contrecœur, je me sentais inhumain. Et j'avais besoin de retrouver cette normalité pour retrouver mon humanité. Bien que ma vie humaine n'était pas forcément le moment où j'étais le plus clean et sain du monde, au contraire même. Après tout, j'étais quand même mort d'une overdose.

Bref, repenser au passé ne m'aidait pas à avancer maintenant alors je m'empêchais de penser à cela et à la place, je cherchais une superette ouverte le soir. A mon tour de remplir le frigo, bien qu'en tant que vampire, ni Damian ni moi n'avions vraiment besoin de manger de la nourriture humaine. A vrai dire, c'était juste un petit plaisir que je me faisais, en réapprenant à cuisiner. Autant dire que certains de mes essais étaient bien ratés mais bon, le point positif : la nourriture n'était pas vraiment nécessaire donc aucune obligation de la finir.

Soudainement, j'entendis des objets tomber sur le sol, ce qui m'interpella suffisamment pour que je me retourne. Et je vis une forme blonde courir vers moi et se jeter dans mes bras. Heureusement que cela avait lieu maintenant et pas il y a quelques semaines, sinon je ne sais pas comment j'aurais réagis. Machinalement, je refermais mes bras autour de la fille blonde et c'est en sentant son odeur que j'eus un déclic. Alianova ? Comment était-ce possible ? Elle avait disparu depuis si longtemps... Je croisais son regard plein de larmes et je pus voir que si j'étais surpris, c'était également son cas. Je n'aimais pas voir les larmes dans les yeux, tout comme je n'aimais pas sentir sa maigreur quand je la serrais un peu plus contre moi. Qu'est-ce qui t'étais arrivée, ma princesse ?

« Je suis là, je suis bien là, princesse. »

Je la serrais un peu plus contre en collant mon front contre le sien. Les questions viendront après, déjà je voulais voir disparaître les larmes dans ses yeux. Je ne supportais pas sa tristesse. Mais je ne supportais pas également ce que j'imaginais quand je la voyais ainsi, aussi pâle et maigre. Et je sentais l'alcool autour d'elle, en elle, qui l'imprégnait. Je n'aimais pas les idées que je me faisais. Je libérais une main pour la passer contre sa joue, supportant le reste de son corps avec mon autre bras. Il ne fallait pas oublier que j'étais un strigoï, avec la force qui allait avec, même si à l'heure actuelle, j'étais persuadée qu'un humain aurait su la soulever. Je caressais doucement sa joue en prenant la parole.

« Je ne te lâcherais pas, promis. Mais dis-moi, qu'est-ce qui t'es arrivé, Alianova ? »

Je n'insisterais pas si tu n'es pas prête à me répondre mais mon imagination commence à se retourner contre moi. Alors parles moi, je t'en prie.

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Tu n’arrives pas à y croire. Et pourtant, ton corps est serré contre le sien. Tu as tellement besoin de ce contact. On t’a tellement dit comment ils l’avaient tué, combien il l’avait fait souffrir avant que cela n’arrive. Pendant de longs jours, voire de longs mois, tu as imaginé la scène dans ton esprit. Tu en as été malade, tellement tu t’es sentie fautive de sa mort. Ils t’ont dit que c’était ta faute, car il avait eu le malheur de croiser ta route. Mais pourtant avec lui, t’avait eu envie de te battre. D’arrêter tes conneries car tu savais que ça le faisait souffrir de te voir dans un tel état. C’est pourquoi, quand t’avais réussi à t’enfuir, t’avais recommencé à boire, fumer, te droguer. C’était uniquement dans le but d’oublier Brent. Mais cela c’était avéré impossible. Aussi, t’avais continué quand même, afin d’atténuer la douleur qui te ravageait de l’intérieur dès que tu pensais à lui. C’est pour ça aussi que tu n’avais pas été récupéré Joker. Ils t’avaient dit qu’ils l’avaient laissé à la rue pour la fourrière. Mais t’étais bien incapable de t’occuper de ton chien. C’est pour ça que tu l’avais laissé, même si ça te faisait mal au cœur. Mais si tu l’avais eu avec toi, t’aurais trop pensé à Brent et ça, c’était tout simplement impossible.

Quand tu entends sa voix, ton surnom, tes larmes redoublent d’intensité. Tu le serres fort contre toi. Tu t’en fous qu’il sente combien ton corps à changer. Tu ne peux simplement pas supporter l’idée qu’il s’éloigne. Tu demandes juste un peu de temps en plus pour profiter de lui. De sa présence. Quelques minutes, rien de plus. Après tout, tu l’as cru mort pendant tellement de temps. Sa main vient se poser avec une infime tendresse sur ta joue. Quand il prononce qu’il ne te lâchera pas, tu secoues simplement négativement la tête. Tu ne le supporterais pas s’il t’abandonnait à nouveau. Même si c’est sûrement égoïste d’avoir de telles pensées ! Détachant à contrecœur tes jambes de sa taille, pour redescendre les deux pieds au sol, tu ne peux pourtant pas te séparer de son contact. Tu passes tes bras autour de sa taille, ta tête sur son torse. Fermant les yeux, tu hoches la tête. « Deux minutes … S’il te plait … Gardes-moi contre toi encore deux minutes avant de disparaître ... » Tu veux juste le garder contre toi. Cette heureuse surprise t’a fait clairement dessouler en peu de temps. Fermant les yeux pendant quelques instants, tu finis par soupirer avant de prendre la parole. « Je … Un groupe de mon espèce m’a enlevé et j’ai atterri quelque part. Et ils m’ont torturé, privé pour manger, pour me faire arrêter de boire et tout. Mais j’arrivais pas. J’étais malade en plus, et je leur faisais honte. Puis je suis descendue aux enfers quand ils m’ont dit que … que t’étais mort …. » Tes mains se crispent sur son t-shirt. T’as mal à ce souvenir mais tu te forces à continuer. « Il m’a dit qu’il t’avait torturé puis tué … A cause de moi. Et que Joker était en fourrière par ma faute… J’suis tellement désolée, j’ai pas su m’en occuper …. Et j’ai réussi à m’enfuir je sais plus trop comment … Et fallait que je t’oublie. Alors j’ai tout repris … J’avais trop mal. J’suis morte de l’intérieur, après ta mort … » Le corps tremblant, tu te détaches de lui. Recules d’un pas. Puis deux et trois. T’as froid soudain. Tu n’es plus habituée à autant d’émotions en même temps. Les larmes commencent doucement à s’arrêter de couler. Serrant tes bras contre toi, tes ongles s’enfonçant dans ta peau, tu meurs pourtant d’envie de retourner dans ses bras. Plantant son regard dans le sien, tu te sens tellement minable. D’avoir bu. De tout. « Je suis tellement désolée Brent … Tellement désolée d’avoir tout gâché encore une fois … Désolée d’être moi. » Puis soudain, un fou rire hystérique te prend. Sûrement dû à l’alcool que t’as bu finalement. « Mais de toute façon, pourquoi je dis tout ça ! T’es mort à cause de moi. De ce que je ressentais pour toi ! »

Tu es vraiment là

Je ne m'attendais pas à retomber sur toi dans cette ville, Alianova. Mais je ne le regrette pas, loin de là, bien que je sois surpris. Après ta disparition lors de mon dernier séjour à Missoula, je ne pensais pas te retrouver ici. J'étais à peu près sur que tu en aurais profité pour fuir loin et je l'aurais compris. Cet endroit ne t'avait pas gâté. Mais voilà, tu étais dans mes bras, contre moi. Je sentais ton odeur, celle de ta peau, celle de ton sang. Je sentais ta chaleur qui parcourait mon corps, me réchauffant. Tout comme le bruit des battements de ton cœur raisonnant à mes oreilles. Autant de sons qui m'avaient manqué bien plus que je ne l'aurais cru possible.

Finalement, je me reprends et je la rassure sur ma présence quand je vois qu'elle a l'air de ne pas y croire. Je sens en même temps la faiblesse de son corps, je remarque des petits détails qui m'avaient échappés de prime abord et cela m'inquiète. Je laisse ma main glisser sur sa joue avec douceur tout en reprenant la parole, tentant de comprendre, tentant de savoir ce qui s'était passé. Mais en même temps, je ne voulais pas la pousser dans ses retranchements. Alors je restais attentif à ses réactions et j'attendais.

Je sentis qu'Alianova voulait se détacher alors je desserrais légèrement mon étreinte, gardant pourtant mes bras autour d'elle quand elle toucha le sol. Je la vis hocher la tête alors je m'empêchais de l'interrompre et je me préparais à l'entendre me parler. Simplement, elle me demanda juste du temps alors je hochais la tête en la serrant contre moi. Le temps, j'en avais largement devant moi, c'était la seule ressource dont je ne manquerais jamais. Alors lui accorder deux minutes ? Ce n'était rien du tout. Toutefois, je n'aimais pas son allusion de "disparaître". Est-ce qu'elle avait peur que ses propos m'amènent à partir ? Mais je m'étais promis de ne pas l'interrompre alors je ne la questionnais pas, j'attendis juste.

Elle finit par soupirer et par prendre la parole alors je l'écoute de nouveau attentivement. Et ce que j'entends ne me plaît absolument pas. Je sens une déchirure se faire au plus profond de moi pendant que j'imagine parfaitement la scène. J'arrive à la voir se faire enlever, se faire enfermer, priver, blesser. Et savoir que j'étais encore en ville à ce moment-là, ne me doutant absolument pas de sa réalité me blesse un peu plus. Et surtout, cela me rend furieux envers moi-même. J'aurais pu faire quelque chose, j'aurais pu agir, si seulement j'avais réfléchi. Puis elle me parle de ma mort et c'est la surprise qui prédomine. Je la regarde avec attention et stupeur, me raconter comment ma mort l'a détruite. Alors même que je n'ai jamais été en danger à cause des gardiens. J'aurais préféré pourtant. J'aurais su que quelque chose clochait et j'aurais pu agir pour la libérer, pour l'aider. Finalement, je me force à suivre la fin de l'histoire et j'apprends qu'elle a réussi à partir, non sans laisser des bouts d'elle-même en chemin et en reprenant des habitudes qui avaient commencé à disparaître. Je sens mon cœur se serrer un peu plus à ce constat. Mais je n'ai pas le temps de réagir qu'elle m'échappe, s'écartant et commençant à agir d'une façon étrange. J'ai l'impression qu'elle pense parler à une hallucination ou... ou à un mort. Après tout, c'est comme ça qu'elle me croit maintenant, n'est-ce pas ?

« Alianova. Princesse. Stop, ne dis pas ça. »

Même si elle s'est éloigné de moi, cette fois je suis celui qui se rapproche jusqu'à me retrouver presque collé à elle, éloignant un peu le froid que sa distance avait provoqué en mon cœur. J'entoure son visage de mes mains, l'obligeant à ressentir mon contact, mais aussi à soutenir mon regard.

« Je ne suis pas mort, tu ne m'as pas perdu et tu n'as rien gâché. Je t'ai abandonné quand tu avais besoin de moi. Personne ne peut t'en vouloir d'avoir eu besoin de trouver un échappatoire, je ne t'en veux pas. J'espère juste te donner à nouveau une raison de vouloir t'en sortir. »

Je ne vais pas mentir, j'aurais préféré que tu trouves un autre moyen d'échapper à tes démons. Mais quand on parle de démons, ceux en rapport avec la destruction sont les plus vicieux. Alors est-ce que je t'en veux ? Non, je m'en veux bien plus que je ne t'en veux. Beaucoup plus. Je caresse doucement ses joues de mes pouces avant d'attraper une de ses mains et de la déposer sur mon cœur. Un cœur qui battait doucement, trop doucement pour un cœur humain, mais à un rythme normal pour un strigoï. J'étais à moitié mort après tout...

« Sens-le, entends-le. Je suis vivant, princesse. Ne te reproches pas ce qui n'est pas arrivé. Je suis vivant. Et d'ailleurs, je connais quelqu'un qui a hâte de te retrouver et qui sera heureux de te voir, presque autant que je l'ai été. »

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